La remontée vers le Nord
Après une dernière nuit à Ushuaia, histoire de laisser à notre corps le temps de se réhabituer au plancher des vaches, il est maintenant temps de reprendre la route. Après plus d’un an de roulage en direction du Sud, nous rebroussons chemin et entamons la remontée vers le Nord. Il a neigé en altitude durant la nuit, et les sommets sont blancs. La température est fraîche pour la saison et c’est accompagné d’un fort vent latéral que nous effectuons le trajet jusqu’à Rio Grande où nous faisons étape pour la nuit, dans le même hôtel qu’à l’aller.
On continue de remonter la Terre de Feu, et après une centaine de kilomètres nous passons à nouveau au Chili. Les passages de frontière entre le Chili et l’Argentine sont très fréquents par ici, étant donné la découpe des deux pays et le peu de choix de routes possibles.
Nous faisons un petit détour pour nous rendre au bord de la baie Inutile, afin d’aller visiter la seule colonie de Manchots Royaux qui existe en dehors des îles sub-antarctiques. Cet oiseau qui ne peut pas voler est la deuxième plus grande espèce de manchots après le Manchot Empereur. Ils sont plusieurs dizaines à être présents sur le rivages entre de légères dunes et des étendues herbacées, au bord de l’eau. Un bras de mer nous sépare d’eux, mais on arrive quand même à faire quelques photos au travers des lunettes d’observation. Ce fut un intermède bienvenu pour couper la monotonie de la route qui traverse la pampa venteuse de ce coin de pays. Nous passons la nuit dans le seul hôtel de Cerro Sombrero, pour ce qui sera notre dernière étape sur l’île de Tierra del Fuego. Ce village a été créé en 1958 comme lieu de résidence pour les employés de la compagnie pétrolière nationale travaillant dans la région. Il est aujourd’hui quasiment abandonné et ressemble à un village fantôme.
Un trajet en ferry nous fait retraverser le détroit de Magellan et un nouveau passage de frontière nous ramène en Argentine. Nous avons définitivement quitté l’île de la Terre de Feu mais la route traverse toujours les vastes plaines arides de la steppe patagonienne, avec un vent fort comme compagnon constant. De nombreux guanacos et de grands troupeaux de moutons brisent quelque peu la monotonie. En fonction des prévisions météo, nous restons quelques jours à Rio Gallegos, au bord du fleuve du même nom. Nous en profitons pour faire une lessive et visitons le Musée des Pionniers où l’on apprend plein d’anecdotes sur la colonisation de la Patagonie. Le musée se trouve dans la plus ancienne maison de la ville et regroupe tout un tas d’objets de l’époque, comme de vieux téléphones, une calculatrice énorme, des caméras et autres gramophones.
Nous nous dirigeons ensuite plein Ouest afin de refaire une brève incursion au Chili dans le but d’aller visiter le parc national de Torres del Paine que nous avions laissé de côté à l’aller.
Une route avec une longue portion de piste associée à des rafales de vent frisant les 70 km/h met nos nerfs à rude épreuve, mais c’est heureusement sans chute que nous rejoignons Puerto Natales où nous étions déjà venu en décembre dernier.
Le parc national Torres del Paine est situé entre la cordillère des Andes et la steppe de Patagonie. Sa surface de près de 200 hectares se caractérise par son hétérogénéité paysagère, où convergent des montagnes, des glaciers, des vallées, des étangs et de grands lacs. Il a été déclaré réserve de biosphère par l’Unesco en 1978.
Nous y entrons par la porte sud et durant cette première journée nous longeons le Lago el Toro avant d’accéder au Lago Grey. Nous y faisons une belle balade le long d’une sorte de digue d’où l’on peut apercevoir le glacier Grey. Après le repas nous continuons notre route afin d’atteindre le Lago Pehoe qui se situe au pied du massif montagneux des Cuernos del Paine.
Les paysages sont juste magnifiques et les photos parlent d’elles mêmes.
C’est sur une minuscule île du lac Pehoe que se trouve notre hôtel, accessible uniquement par une passerelle piétonne. La nuit promet d’être calme…
Pour notre deuxième jour dans le parc, nous n’avons pas vraiment de chance avec le temps. Le ciel est gris et les nuages bas cachent complètement le sommet des montagnes. Nous ne verrons donc pas les fameuses Torres del Paine, cette série de trois pics granitiques qui ont donné leur nom au parc national. Pour la forme je vous en mets quand même une photo volée sur internet… On continue donc sur la route du parc jusqu’à la sortie nord, en admirant des paysages majestueux auxquels la luminosité ambiante donne un air dramatique.
S’ensuit une soirée et une nuit dans une Estancia toute proche de la frontière avec l’Argentine où nous retournons demain…
Nous quittons à nouveau le Chili pour repasser en Argentine, et après 270 kilomètres de lignes droites dans la pampa, nous atteignons la ville de El Calafate. Cette ville est située au bord du Lago Argentino et à proximité du champ de glace sud de la Patagonie, dans la province de Santa Cruz. El Calafate est principalement connue pour être la porte d'entrée du parc national Los Glaciares qui abrite le glacier Perito Moreno, dont la constante évolution du paysage de glace en fait un lieu très prisé pour la randonnée et le tourisme. De ce fait, cette ville n’est pas très argentine et on y entend plus parler l’anglais que l’espagnol. C’est par conséquent un endroit extrêmement cher et très américanisé. On y est venu pour aller voir le glacier Perito Moreno, mais la ville en soit ne nous laissera pas un grand souvenir…
Nous prenons finalement la route afin d’effectuer les quelques 80 kilomètres qui séparent El Calafate du glacier Perito Moreno. Le temps s’annonce pas trop mal et on se réjouit de découvrir ce que les argentins considèrent comme étant la huitième merveille du monde moderne. Avec une surface de 250 km2 et une longueur de 30 kilomètres, le glacier Perito Moreno fait partie des 48 glaciers alimentés par le champ de glace Sud de Patagonie. C’est aussi l'un des trois seuls glaciers de Patagonie qui n'est pas en recul. Le front du glacier fait approximativement 5’000 mètres de longueur, sa hauteur est de 170 mètres dont 74 mètres sont émergés, le reste se trouvant sous les eaux du lac Argentino. A certains endroits son épaisseur atteint près de 700 mètres. Des chiffres assez impressionnants…
C’est l’un des sites les plus visités d’Argentine, et il faut bien avouer que le spectacle vaut le détour !
La pluie et le mauvais temps prévus pour les prochains jours dans les montagnes fait que nous avons décidé de zapper El Chalten. En effet aller à El Chalten et ne pas voir le Fitz Roy c’est un peu comme aller à Zermatt sans voir le Cervin…
Et comme Éole semble être relativement calme pour les prochains jours, on en profite pour intensifier notre progression vers le Nord.
Après le village de Tres Lagos il y a un fameux tronçon de la Ruta 40 appelé les ‘73 Malditos’ en référence à 73 kilomètres de piste en gravier meuble qui sont souvent maudits, surtout si le vent s’en mêle. Comme il existe une alternative plus longue mais moins compliquée, et pour ne pas prendre de risques inutiles, nous optons pour 145 kilomètres de piste relativement facile en lieu et place de 73 kilomètres de piste soit disant maudite. Le choix s’avère judicieux et nous croisons de nombreux guanacos ainsi qu’une horde de nandous sur ce tronçon où l’on a l’impression d’être seuls au monde. Heureusement que nous sommes de retour sur le bitume, lorsque nous devons affronter de très fortes rafales latérales sur les derniers 50 kilomètres.
Finalement tout se passe bien et c’est sans encombres que nous atteignons le village de Gobernador Gregores pour l’étape du jour. Une longue journée de moto qui se résume à 420 kilomètres monotones à travers la pampa, dont 145 kilomètres de piste.
Les distances sont grandes en Patagonie, et les possibilités de logement ne sont pas légion. Nous faisons donc à nouveau une longue étape de 360 kilomètres qui nous mène jusqu’au village de Perito Moreno, qu’il ne faut pas confondre avec le glacier du même nom. C’est encore et toujours la pampa avec ses immensités, son vent et ses guanacos. Aujourd’hui on a également croisé un Pichi, ou Tatou de Patagonie, qui est une petite espèce de tatou dont l’habitat est le plus méridional au monde.
La remontée vers le Nord